À ce qu'il parait, un battement d'ailes de papillon au Brésil peut engendrer une tornade au Texas. Cette désormais célèbre -et très contestée- affirmation du météorologue Edward Lorenz signifie, en gros, qu'un petit geste porté à un quelconque endroit de la planète peut avoir des répercussions à des milliers de kilomètres plus loin.
Quand je pense à l'été exceptionnel que nous venons de vivre et au nombre impressionnant de papillons qui nous ont fait honneur ici de leurs battements d'ailes majestueux, il risque de venter très fort sur la totalité du globe cet automne.
Le lien avec l'article qui va suivre cette introduction est le suivant: avec l'assassinat des diplomates américains la semaine dernière en Libye, inutile de vous dire que les USA sont sur les dents. Et les Américains, quand ils sont sur les dents, deviennent très rapidement suspicieux... On ne passe donc pas n'importe quoi aux frontières américaines...
Or donc, il n'y a pas si longtemps, nous avons mis le cap sur la côte Est. Un genre de road trip éclair de Provincetown jusqu'à Portland (Maine) en poussant l'audace jusqu'à Old Orchard Beach rien que pour manger une pointe de pizza. Mais nous reviendrons plus tard sur les endroits visités. Puisque pour l'instant, nous en sommes encore à nous remettre de ce quasi incident diplomatique à la frontière Canado-Américaine.
Nous avons traversé la douane à Woburn, qui débouche dans l'État du Maine, aux petites heures du matin. Déjà, à l'entrée, une notice signifiait que le niveau d'alerte avait été relevé d'un cran. Ce qui signifait par le fait même que le niveau de mauvaise humeur du douanier allait lui aussi être relevé d'un cran, et que notre niveau de nervosité à nous allait aussi être relevé d'un cran. La raison? Nous avions du melon d'eau dans notre glacière. Il était coupé en cube et rangé dans de petits sacs de plastique mais aux USA, il est interdit d'y entrer avec certains fruits.
-Qu'est-ce qu'on dit s'il nous questionne sur le melon d'eau?
-On dit qu'on ne savait pas. Et on insiste sur le fait qu'il est dans des sacs de plastique et débarassé de sa pelure, et que ça ne devrait donc pas contaminer les 53 millions de melons d'eau qui poussent actuellement aux USA.
Parce que les Américains, c'est de ça aussi qu'ils ont peur. Ils craignent que si vous jetez vos rognures de melon d'eau dans leurs poubelles publiques, vous risquez de TOUT contaminer...
Une fois nos passeports en sa possession, les traits du douanier se durcissent. Il s'intérroge sur la présence d'un visa de Chine et d'Azerbaijan dans mon passeport (surtout sur celui de l'Azerbaijan) et commence ensuite sa série de questions:
-Where do you go?
-For how long?
-Where do you live?
-Where do you work?
-Any drugs?
-Alcohols?
-Firearms?
-Explosives?
-When was the last time you came in the United States?
Celle-là c'était une question piège puisque nous étions venus aux USA deux semaines avant. Et ça se voyait dans ses yeux qu'il essayait de nous piéger. Mais heureusement, nous avons donné la bonne date ainsi que tous les détails reliés à notre dernier voyage. Et soudainement, il a lâché la fameuse question que personne ne souhaite entendre. Pas pour les mauvaises raisons, bien entendu, mais parce que personne n'aime vraiment ça faire fouiller dans ses affaires.
-Can you open the trunk?
Je me suis toujours posé une question: quand un douanier vous demande pas très gentiment si vous pouvez ouvrir le coffre arrière de votre voiture, je me demande ce qui se passe si on dit que non, on ne veut pas l'ouvrir le coffre arrière de notre voiture! Je sais pas hein? Vous avez déjà essayé?
-Of course we can open the trunk, Sir! Faites comme chez vous!
Et là on est un peu nerveux pendant que monsieur le douanier fouille le coffre, le corps à moitié entré parmi les bagages et le matériel de camping.
-Ça y est! Y va confisquer notre melon d'eau! Merde! On aura même pas eu le temps de le manger! Pis en plus on l'a payé 8$! C'est comme si on prenait 8$ pis qu'on le mettait directement aux poubelles!
Mais ce qui intrigue le douanier ne se trouve pas dans la glacière. C'est autre chose qui l'intrigue. Quelque chose qu'il n'a probablement jamais vu de toute sa vie de douanier. Mais nous, un peu paniqués dans la voiture, on élabore encore sur le melon d'eau. Martine m'apprend qu'elle a aussi apporté des carottes et des piments coupés dans de jolis petits sacs plastiques... Ça y est! Notre vie va s'arrêter ici! On va se faire expédier manu militari dans notre pays pour un melon d'eau et quelques légumes...
-What about the floating device? lance-t-il la tête encore dans le coffre pendant que Lulu, assise sur le siège arrière, commence à s'énerver.
-About what?
-The floating device! répète-t-il en insistant sur le F. What about the floating device?
Fuck. The floating device, comme l'a si bien prononcé le douanier, c'est le tétard motorisé. La patente qui filme sur l'eau. L'espèce de plat Tupperware avec un petit moteur électrique. Le truc construit en 3 heures avec des nouilles spaghetti qu'on retrouve habituellement dans une piscine. C'est ça le floating device! Mais le plus drôle dans toute l'affaire, c'est que le douanier tient maintenant le "floating device" à bout de bras, et que derrière, on commence à voir les gens qui patientent dans leur voiture en regardant avec curiosité le floating device.
Une image vaut mille mots! |
-What's this?
Quand je l'informe qu'il s'agit d'un truc téléguidé, la tension monte d'un cran. peut-être qu'il s'imaginait que nous allions équiper le tétard motorisé d'une charge au plutonium pour ensuite le diriger à toute vitesse sur un navire de guerre basé à Portland! Et quand je dis à toute vitesse, c'est très relatif car le tétard n'est pas très rapide sur l'eau...
-This is the tétard motorisé! We use it to film on the water. We put a GoPro camera on the top and we film! Isn't amazing!
-Stay in the car and don't move!
Le douanier est finalement resté une bonne minute en tenant le tétard à bout de bras et en le pointant un peu partout tout autour. Probablement qu'il l'a même pris en photo, juste au cas où, en le passant devant un "photographic device". Quand il a appris que nous l'avions construit nous même, il a paru soulagé et la remis dans le coffre. Mais le plus étonnant dans toute cette histoire est qu'il n'a rien dit au sujet du tricopter et rien au sujet du melon d'eau.
La morale de cette histoire? Si vous avez envie de passer la douane américaine avec des fruits, n'oubliez pas d'emporter avec vous un "device" quelconque, flottant ou pas, histoire que votre melon d'eau ne se ramasse pas à la poubelle!
p.s: je voulais prendre une photo du douanier avec le tétard motorisé mais Martine m'a suggéré qu'il ne s'agissait peut-être pas d'une bonne idée...
Pour en savoir plus sur le tétard motorisé
C'est dommage qu'on ne soit jamais serein au passage des frontières pour aller aux US. Le pire c'est qu'on est certain que tout est ok mais on se demande quand même tjs s'il n'y a pas quelque chose qui puisse les déranger...
RépondreSupprimerSalut Julien, tu as raison sur ce point: on ne sait jamais!!! Nous passons souvent les douanes Martine et moi (par voie terrestre quand il s'agit d'un voyage dans l'Est des USA) et je dois t'avouer qu'il y a souvent quelque chose qui cloche. Et parfois, ce qui cloche, c'est toujours ce dont on s'attend le moins, comme fait foi l'article ci-haut. Même que quelques années plus tôt, nous nous sommes fait "presque" accusé de faire la contrebande d'oeuvre-d'art puisque nous avions un vieux tableau dans le coffre de la voiture...
SupprimerSinon, une fois les douanes américaines derrière soi, les USA demeurent un pays très agréable à découvrir! À+