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Voyage en Chine: la nourriture 2e partie

Depuis de nombreuses années, nous entendons des histoires à gauche et à droite concernant les Chinois et leurs habitudes alimentaires pour le moins particulières...  Ici, en Amérique du Nord, on les qualifie à l’occasion de “mangeurs” de chiens et de chats.  Pour ma part, j’ai toujours été prudent vis à vis ces affirmations.  Et une fois en Chine, au cours d’un repas typiquement “boeuf” en compagnie de mes hôtes, j’ai franchement posé la question...





Vous vous souvenez de Bob, l’interprète chinois?  C’est à lui que j’ai posé la question alors que de succulentes lanières de boeuf grésillaient sur une plaque de cuisson chaude, accompagnées de légumes croquants et d’effluves d’épices envoûtantes.

-Tell me, Bob.  Do you eat dogs?

-Oh!  Dogs!  Dogs are pets, and we love pets.  So I don’t know why you think we eat dogs!  We love pets!

-I love beef, Bob!  And I eat beef!  When you say you love pets, maybe it mean you love pets with roasted vegetalbes, peppercorn sauce and a bottle of cold beer!  You love pets, and I love pets too, but do you eat dogs?

Au cours de l’échange entre Bob et moi, le reste de notre groupe est attentif à notre conversation, sans toutefois y comprendre un traitre mot.  Lorsque Monsieur Ming s’informe auprès de Bob de notre conversation, ce dernier le met au parfum au sujet de ma question et visiblement, un malaise s’installe à notre tablée.  S’ensuit alors un long échange entre les Chinois autour de la table, échange pour lequel cette fois-ci, c’est moi qui est incapable de comprendre quoi que ce soit.

-To tell you the truth, Dude, we don’t eat pets.  I mean, we don’t eat small pets because we love small pets.  We prefer big pets!

-I see.  Small pets for fun, and big pets for eat!

-Oh!  Exactly Dude.  We only eat big ones!

-And a big dog for eat looks like what, Bob?  Do you eat every big dogs you see in the street?

-Oh!  Not really.  We have dogs specially grown for it.  We call them Rou Gou (chiens de boucherie) and it’s very good!

-Rou gou...  Looks like which breed of dogs we know?

-Oh!  Not easy to describe but it’s a very big dog looks like a pork.  Very big!  A lot of meat and very delicious too!  Let me ask Mister Ming about something.

À les entendre parler, je vois bien qu’il se trame quelque chose qui soulève les passions.  Il y a de l’excitation dans l’air, c’est certain, mais impossible pour moi de voir de quoi il s’agit.  De plus, les Chinois sont parfois si enflammés lorsqu’ils discutent ensemble qu’il pourrait s’agir de n’importe quoi.  J’espère seulement ne pas les avoir vexé.  L’idée de me faire botter le derrière hors du restaurant par -20 degrés ne me tente guère.  Mais la réponse viendra rapidement de la bouche de Bob, alors qu’une bonne douzaine d’yeux bridés sont braqués sur moi.

-Mister Ming is proud to invite you in a dog restaurant for dinner, tomorrow night, and he hope you will accept the invitation!

-A dog restaurant?  What do you mean by a dog restaurant?

-Oh!  It’s a restaurant where we only serve dogs!  You will love it, Dude!  So, don’t eat too much tomorrow during the day!  You better keep place for dog meat at dinner!

Là tout de suite, sans même y penser, j’ai accepté l’invitation.  Par curiosité surtout.  Peut-être aussi parce que je n’y croyais pas vraiment.  Manger du chien!!!  Voyons donc!  Qui mange du chien en 2012?  J’ai aussi l’étrange impression que Bob tente de se payer ma tête, qu’ils vont m’emmener dans un restaurant tout à fait banal, histoire de rire un bon coup.  Parce que les Chinois, enfin, ceux que j’ai côtoyé, ont un grand sens de l’humour.  Mais pour l’instant, j’éprouve une sensation très particulière.  Un étrange mélange de peur et de conviction personnelle en rapport avec le fait de croquer à belles dents dans un adorable toutou.  Puis il me vient des images de Milou, de Rintintin, de Lassie, de Snoopy...  Je pense à Lulu aussi.  Et comme s’il venait tout droit de lire dans mes pensées, Bob me demande d’un air sérieux:

-Oh!  Dude!  I have a very serious question for you.  You have a dog?

Un peu nostalgique, je pose mon appareil photo sur la table et affiche des photos de Lulu restées dans la carte mémoire.  Les Chinois sont souriants, se passent l’appareil à tour de rôle et trouvent Lulu très belle.  Lee Yuan, notre chauffeur expert en arts martiaux, va même jusqu’à se flatter l’estomac en montrant les dents...

Puis Bob revient avec sa serious question for me...  Il m’informe que si je mange du chien, mon chien à moi le saura puisque mon corps, pendant une période allant jusqu’à 10 jours, émanera cette odeur caractéristique et reconnaissable par tous les chiens que... j’aurai mangé du chien.  Là j’ai un doute.  Un très sérieux doute que je prend toutefois très au sérieux.  Soit dit en passant, les chiens ont un odorat 48 fois plus développé que celui de l’homme.  Si je fais rapidement le calcul, lors de mon retour à la maison, je dégagerai encore un parfum canin...  J’imagine déjà Lulu me tournant le dos à mon arrivée et me bouder.

De retour à l’hôtel, je passe un coup de fil à Martine pour l’informer de la situation.  En fait, l’idée ne me tente guère pour des raisons idéologiques.  Pour certains c’est le porc, pour d’autres la vache.  Moi c’est le chien.  Et la phrase qui vient clore notre discussion est la suivante: À Rome, il faut faire comme les Romains.  J’imagine que ça doit aussi s’appliquer en Chine.

Et alors?

24 heures plus tard, voilà que nous nous retrouvons tous dans ce fameux restaurant de chien.  Le choc est brutal.  L’odeur aussi.  Il y a des danseuses partout, elles ressemblent à des Geishas et exécutent une chorégraphie festive.  En Chine, manger du chien est un happening.  Alors ça bouge!  Un peu comme lorsque nous organisons chez nous nos fameux souper-homards.  Mais l’image qui me reste en tête est la suivante: à quelques pas de nous, dans une énorme marmite, un cuisinier fait cuire de gros morceaux de chien encore attachés aux os, dans le genre pattes de chiens et épaules de chien.  Ça ressemble à une scène de chasse de la préhistoire.  Mon doute s’estompe alors tout d’un coup.  Je viens de mettre le pied au coeur de l’enfer.

Nous montons ensuite sur la mezzanine, dans l’un des salons privés du restaurant.  Monsieur Ming passe la commande et les plats déboulent ensuite sur la table.  Du chien à toutes les sauces, sans mauvais jeu de mot.  Braisé, en soupe, en lanière, grillé, effiloché, mariné...  En l’occurrence, cru si j’ai bien compris.  Mais mariné, insiste Bob.  Mais cru, lui ai-je alors dit.  Mais mariné a-t-il conclu.  Mais quand même cru, ai-je dit pour avoir le dernier mot.  Enfin, avant d’être mariné il était cru.

Après plusieurs longues gorgées de Tsing Tao, je me lance.  Petite bouchée de chien braisé, au naturel, histoire de voir à quoi ça goûte.  Pas très bon, je dois avouer.  Plutôt âcre comme goût et très loin d’un bon rôti de porc avec des patates jaunes, comme on dit par ici.  Peut-être en raison du fait qu’il s’agit d’une viande canine, comme le loup ou le coyote, et dont les anciens disaient qu’il s’agissait d’une viande impropre à la consommation.  Bref, je n’ai pas aimé.

Par contre, le chien effiloché (cuit dans un bouillon de légume) était très bon.  Ça ressemblait à du boeuf en fait.  Mais soyez sans crainte, j’en ai mangé très peu.  Seulement pour goûter.  Difficile de faire abstraction, même avec beaucoup d’imagination, que l’animal qui se trouve désormais dans votre assiette remuait jadis la queue en la présence d’un humain.  Le meilleur ami de l’homme à ce qu’on dit.

Étonnement, le chien mariné valait le détour.  Pas mauvais.  Et si j’aurais pu m’enlever de la tête qu’il s’agissait de chien, j’en aurais mangé encore plus.  Heureusement, nous avions quelques plat de légumes grillés à notre disposition.  J’en ai donc mangé en très grande quantité, peut-être même plus que dans les 6 derniers mois!  Jamais les légumes n’auront été aussi bons que lors de ce repas!  Merci à vous, tendres légumes de Chine!

Du chien à toutes les sauces!  Et Monsieur Ming...

Au naturel

En soupe.  Le truc, c'est de manger uniquement les légumes.

Cervelle de chien.

Ça ressemble à du boeuf.

Le voilà ce fameux chien mariné!



En conclusion

Depuis, j’ai fait des recherches sur le sujet, comme si je voulais me remettre d’un traumatisme.  J’ai appris que le Rou Gou en question que l’on servait en Chine était une sorte de croisement entre le St-Bernard et tout autre chien de grande taille.  Doit-on s’indigner que les Chinois élèvent et mangent du chien?  Je ne crois pas.  C’est culturel, comme on dit, pour employer une phrase à la mode et qui semble expliquer l’incompréhensible.  J’ai aussi appris que tout chien de bonne grosseur était susceptible de se faire cuisiner.  N’importe quel chien.  Là où j’ai un problème avec cette pratique, c’est que certaines coutumes exigent que le chien, avant d’être cuit et consommé, se doit de mourir dans d’atroces souffrances.  Je laisse donc votre imagination faire son travail.

Certains diront peut-être que j’ai encouragé cette pratique d’une certaine façon.  De mon côté je pense que non.  Pour la simple et bonne raison que tout était déjà en place, et que je n’ai pas exigé que l’on mutile un chien devant moi comme ça se fait parfois avec des touristes en manque de sensations fortes.  Si tel eut été le cas, j’aurais refusé l’offre, soyez certain.

Vais-je un de ces jours en manger de nouveau?  Je ne crois pas non.  La boucle est bouclée en matière de chien.

Au fait, Lulu était plutôt contente de me voir à mon retour.  Elle m’a boudé quelques minutes mais tout est rentré dans l’ordre par la suite.  À ce qu’il parait, les chiens ont pour habitude de démontrer leur mécontentement (à la suite d’un long voyage par exemple) en vous ignorant puisque vous les avez ignoré en vous absentant longuement de la maison.  À moins que ce ne soit Bob qui avait raison...

Inédit

Comme vous vous en doutez, les Chinois se sont payés ma gueule au cours de ce repas.  Jusqu’à ce que je leur dise, le plus sérieusement du monde, que nous, Canadiens, aimons bien manger cet animal qu’ils exportent chez nous afin de peupler nos zoos.  Et j’ai nommé le PANDA!

Cet article n'est pas sponsorisé par Oven Baked Tradition.  Parce que chez Oven Baked tradition, on aime les chiens pour une toute autre raison!

7 commentaires:

  1. Après tout, pourquoi pas? C'est vrai, en Europe, on mange bien de l'agneau, et du veau qui sont pourtant des bébés d'animaux, et qui sont si mignons, comme tous les bébés mammifères savent l'être.
    On mange aussi du lapin, ce qui à mes yeux est une hérésie, moi qui en possède deux et qui se comportent à la maison comme des chats,vivant en liberté avec nous.
    Quant à moi, dans un future pas si lointain, je vois bien la raréfaction des ressources naturelles, presque plus de poisson dans les mers, ou empoisonnés par nos pollutions, les élevages intensifs décimés par les maladies, type vaches folles ou grippe du cochon, du poulet etc... En fait, pour pallier à ce proche manque de nourriture, on devrait peut-être élever des humains, juste pour la consommation de viande. Après tout, ce qui compte surtout, c'est la façon de cuisiner la chose. Beaucoup d'herbes aromatiques, d'épices et j'imagine bien une sauce sucrée/salée pour enrober le tout. Quant à la question éthique, et bien, finalement, pas besoin d'élevage, nous pullulons déjà naturellement sur terre, nous sommes un des rares mammifères à saccager l'environnement dont nous dépendons, nous sommes capables d'imaginer les pires barbaries pour nous débarrasser de nos semblables, et nos bébés aussi sont très mignons...Miam! Ca me fait penser que je n'ai pas encore pris de déjeuner, et bien ce sera une soupe d'asperge je crois. Bon appétit!
    PS: Plus sérieusement Yves, je suis d'accord avec toi, les chinois ne sont pas pires que nous, manger du chiens n'est pas plus barbare que manger de la vache (je te laisse imaginer ce que les indiens pensent de nous...), et nous en France on mange bien des escargots. Cet article me fait réagir parce que j'ai été pendant 10 ans végétarienne pour protester contres les élevages intensifs et les conditions d'abattages. J'avais fini par abandonner par facilité et depuis une semaine j'ai décidé de m'y remettre...Un article qui tombe à pic ;)

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  2. La Chine est aussi un lieu de voyage très bien pour le touriste. Même la nourriture de ce pays est même comme tous les gens qui viennent ici. La plupart des disshes chinois sont maintenant très répandu dans le monde entier ... parce que les gens aime ces plats.

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  3. L'article est très intéressant et j'aime la façon dont vous concluez:) Les ingrédients qui entre dans nos repas est très culturel.

    Il faut aussi dire que les plats de chien dans les restaurant ( ceux que nous avons vu du moins) coûte plus cher que le poulet ou le porc.

    C'est un peu comme les oeufs avec embryons... pour ne pas se tromper, toujours regarder les prix et acheter les moins chers. S'ils sont très cher, soit ils essaient de faire un petit surplus monétaire, soit il y a anguille sous roche:) Nous avions bien ''rigolé'' avec une touriste rencontrée, qui ne regardait pas à la dépense (et ne connaissait pas les prix) et qui n'aurait jamais pensé avoir une telle suprise dans son oeuf cuit dur:)

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  4. @Claire: quand on regarde un peu ce qui se passe dans le monde question conditions d'abattages, il y a de quoi avoir froid dans le dos. Heureusement, certains pays tentent d'adoucir la chose par des techniques plus humanitaires... Que dire de plus.

    De plus, il est difficile de militer contre les grandes institutions de ce monde. Du moins, ça permet à beaucoup d'autres de prendre conscience de ce qui se passe un peu partout. Mais bon. Pour ce qui est de l'humain, ça doit vraiment avoir un goût de m..... ;(

    Tu connais la phrase qui dit que: aucun animal, aussi beau puisse-t-il être, ne résiste à un estomac qui a faim... A+

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  5. @Dany et Maryse: pour eux, s'offrir du chien c'est la totale comme on dit! Pour ce qui est des oeufs avec embryons, j'ai vu et franchement, ça n'avait pas l'air appétissant du tout! Bien au-delà de mes limites gastronomiques!

    Effectivement, j'aurais bien aimé voir la tête de cette fille en cassant son oeuf... De quoi en décourager plus d'un! A+

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  6. Excellent article Yves,
    J'avoue que j'ai le coeur qui me lève un peu car j'ai entendu dire que dans ces restaurants on pouvait aussi choisir son chien avant de le manger. Tu vas à l'arrière du restaurant et tu le choisis dans sa cage et là il le tue pour toi...peut-être que ton ami l'a fait à ton insu:)

    j'y aurais goûté aussi une fois parce que je suis en Chine.

    À plus!

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  7. Salut Elizabeth,

    Si tu as la chance, n'hésite pas! Surtout si tu es en Chine! Pour ce qui est de mon ami, je ne crois pas qu'il a passé la commande à mon insu. Enfin j'espère... Mais j'ai aussi entendu dire que certains restaurants faisaient du "live"... Ça j'aime moins. Là, ce serait vraiment d'encourager le massacre.

    Désolé de t'avoir fait levé le coeur avec cet article! À bientôt!

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