Les gènes gaspésiens, c’est vrai. Dans sa jeunesse, Yves a navigué avec ses oncles pêcheurs lors des vacances estivales pour visiter la famille dans la péninsule. Il a même eu la peur de sa vie lorsqu’ils ont failli se retrouver au fond du Golfe! Un filet de pêche a bloqué l’hélice et l’embarcation s’est mise à couler par l’arrière. Le seul moyen pour éviter la catastrophe : plonger dans l’eau glacée du fleuve avec un couteau entre les dents pour couper le filet et libérer l’hélice! Son père, le héros de l’aventure, leur a sauvé la vie. Yves se voit encore debout dans le bateau, priant le ciel que l’opération réussisse. Nul besoin de vous dire qu’il avait la couleur des moutons qui bordent les vagues… Malgré cette expérience pour le moins dramatique, il ressent toujours l’appel du large.
Dans mon cas, l’océan a été tout sauf traumatisant. Il faut dire que ma première vraie expérience de voile s’est déroulée sous le ciel de la Guadeloupe. Oui, il y a pire, mais quelle aventure! Partir en catamaran pour naviguer vers des îles désertes peuplées d’iguanes géants et entourées d’une barrière de corail, le rêve! Deux heures de voile au portant, un soleil éclatant, un skipper digne d’une publicité de GQ, quoi de mieux pour vous faire aimer le nautisme! J’ai même eu la chance de barrer le catamaran au retour, sous le regard vigilant du capitaine et de son matelot. J’étais conquise! Vous comprendrez que lorsque j’ai eu l’occasion de naviguer sur la méditerranée pour visiter les calanques sur la Côte d’Azur, je n’ai certes pas refusé l’offre!
Une fois en couple, nous avons eu le plaisir de faire des sorties dans la région de Bar Harbor, sur un magnifique schooner de bois, le Rachel B. Jackson. Si vous êtes un amateur de films de pirates, vous aurez une petite idée du navire. Un deux mâts fait pour les grandes traversées, drapeau de pirate en prime! J’entends encore le vent s’engouffrer dans la grande voile avec un bruit de claquement sec. Plaisir de sentir la coque fendre les eaux noires de la baie et de voir les matelots s’affairer tout autour sur le pont.
Notre sortie la plus mémorable demeure cependant celle que nous avons faite sur le Bay Lady II à Cape Cod. À inscrire dans les annales, croyez-moi. Déjà, le capitaine Bob Burns vaut le détour à lui seul. Un ancien de la marine marchande, une feuille de route impressionnante, une ancre tatouée sur l’avant-bras, une casquette vissée sur la tête, de grosses lunettes de soleil noires et un cigare entre les lèvres, voilà le personnage. Le bonhomme aboie ses ordres aux pauvres jeunes matelots qui espèrent apprendre à ses côtés, malgré son côté bourru et ma foi, un peu inquiétant.
Cette journée avait pourtant bien commencée. Ciel bleu ensoleillé, légère brise du large, mer à peine ridée, bref, un temps idéal pour la voile. Nous voilà au quai avec une dizaine de vacanciers venus profiter des joies de la mer, prêts à tirer le maximum de cette promenade qui s’annonçait paisible. Une fois à bord, le capitaine nous raconte ses aventures dans la marine quand tout à coup, le vent se lève en petites bourrasques. Rien de bien méchant mais tout de même, on arise un peu les voiles, histoire de contrer la gîte qui semble inquiéter certains passagers. Le grand rouquin est particulièrement agité, il me semble. Sa mère le réconforte en lui frottant le dos – très mauvaise idée.
Dix minutes plus tard, c’est au tour des jeunes mousses de montrer des signes d’inquiétude. Assise près d’Yves, je l’interroge du regard. Des problèmes en vue? Pourtant le capitaine Burns m’a l’air très à l’aise à la roue, tirant sur son cigare à pleines bouffées odorantes. C’est le moment qu’il choisit pour attraper la VHF et lancer un appel à la garde côtière!!! À y regarder de plus près, les vagues ont grossi et le vent est en effet beaucoup plus fort qu’au départ…
Le rouquin détourne notre attention des efforts du capitaine pour ramener le bateau au port en vomissant son déjeuner et sa mère de le frotter de plus belle! Ce n’est pas la houle qui me dérange, c’est le spectacle sur le pont! Yves s’amuse de la situation mais moi, je scrute l’horizon à la recherche de signes annonçant un désastre imminent : une tempête, un orage ou quelque mauvais tour de la météo du genre. Heureusement, le Bay Lady II et ses passagers reviennent à quai sains et saufs, surveillé de loin par les garde-côtes. Le jeune homme se souviendra longtemps de sa promenade : je le vois encore assis par terre, le teint vert, sa mère tenant un sac sous son menton…
Voilà à quoi se résument nos expériences en navigation à la voile. Une lacune que nous avons bien l’intention de combler d'ici peu...
écrit par Martine
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