La V'limeuse autour du monde

Il y a longtemps que je me promettais d’écrire cet article. Mais voilà qu’à chaque fois que je le débutais, quelque chose clochait. Soit je me heurtais au syndrome de la page blanche, soit je me disais que je n’avais pas le talent nécessaire pour rendre toute la justice à cette incroyable aventure. J’ai enfin décidé de me lancer, par cette semaine de grisaille où, seul à la maison, j’étais plus en mesure de ramasser mes idées.

La V’limeuse autour du monde (tome 1 et 2) est le récit extraordinaire d’une famille de 6 personnes (2 adultes et 4 enfants) ayant décidé contre vents et marées de partir à voile pour un tour du monde qui s’est déroulé sur une période de 6 ans. Ce qui n’est pas rien. Ce tour du monde les aura mené de Montréal à Montréal, bien entendu, puisqu’il faut boucler la boucle, mais ils auront vu défilé durant ces 6 années de navigation les Açores, les Canaries, la Martinique, le canal de Panama, les Galapagos, les Marquises, Tahiti, la Nouvelle-Calédonie, l’Australie, Bali, le Sri Lanka, les Chagos, Rodrigues, Madagascar, le Cap, Ste-Hélène, Natal (au Brésil) et j’en passe.

Mais ce que je retiens le plus de ces deux livres n’est pas les miles parcourus par la V’limeuse et son équipage ni les pays visités. Je retiens surtout l’extraordinaire aventure humaine qu’ils ont vécu à bord, tissant des liens que peu de familles ne connaitront jamais. Vivre sur un voilier de 15 mètres durant une aussi longues périodes doit vous souder à jamais.

La V’limeuse autour du monde c’est aussi la rencontre de deux êtres que l’on qualifiait à l’époque (et que l’on qualifierait encore de nos jours) de marginaux. La raison? Carl Mailhot a 35 ans lorsqu’il rencontre Dominique Manny. Elle en a 16. Pour ma part, je n’irais pas jusqu’à dire qu’ils étaient marginaux. Je dirais seulement qu’ils étaient vrais. Ils se sont trouvés. Point à la ligne. De cette relation est née la V’limeuse, qu’ils ont mis 5 ans à construire de A à Z, ainsi que 4 enfants: Évangéline, Damien, Sandrine et Noémie -les jumelles. En Septembre 1981, lors du baptême de la V’limeuse, les enfants ont respectivement 6 ans (Évangéline) 3 ans (Damien) alors que les jumelles n’ont que quelques semaines à peine.

La V’limeuse autour du monde est bien plus qu’un simple récit de navigation. C’est l’histoire d’une vie en fait. De plusieurs vies si vous préférez. Non seulement des principaux protagonistes, mais aussi de tous ceux qu’ils ont rencontré sur la route. D’ailleurs, les textes de Carl Mailhot sont d’une grande justesse par rapport à la vie. En fait, comment pourrait-il en être autrement lorsque surviennent les éternelles questions existentielles que le temps passé au large nous donne si généreusement? Je serais prêt à parier que jamais il ne s’est senti l’âme d’un écrivain, mais je peux vous assurer qu’il l’est. Et plutôt grand pour tout dire. Il fait partie de l’un de ceux que les écrits m’auront le plus fait réfléchir à ma propre vie. Je pense à Hemmingway, Melville et Irving. Rien de moins.

Dominique Manny, pour sa part, c’est la sensibilité à l’état pur qui transcende ses écrits. Comme si elle se mettait à nue à chaque fois qu’elle dépose le crayon sur la feuille de papier. Il faut dire que l’inspiration y était sûrement pour quelque chose, elle qui a vu grandir ses enfants sur fond d’océan et de coucher de soleil incessant, où la douceur d’un ancrage bien protégé et d’une eau translucide à le pouvoir de vous porter à la réflexion.

Les enfants ne furent pas en reste côté écriture. Ils ont même grandement participé à l’élaboration de la V’limeuse tome 1 et 2. Connaitre ainsi leurs visions des choses vient ajouter grandement à la saveur d’un tel périple. Après toutes ces années, il serait intéressant de savoir où ils en sont. J’ai eu écho qu’Évangéline avait réalisé un documentaire vidéo sur une traversée en solitaire réalisée par Damien (Seul, mais avec d’autres) mais je n’en sais pas plus. Pas de nouvelles non plus du côté de Sandrine et Noémie, les jumelles. Si l’un de vous tombe par hasard sur ce texte, n’hésitez pas à nous laisser quelques lignes.

Au fond, à chaque fois que je me plonge dans la lecture de l’un de ces livres, j’en éprouve une profonde tristesse que je ne saurais expliquer. Il s’agit d’un récit agréable à lire, ça ne fait aucun doute, mais il en ressort des passages qui portent à réfléchir comme je le disais plus haut sur sa propre vie. Serait-ce en raison de la justesse des propos? De la véracité de la vie? De ce qu’elle peut nous enseigner lorsque l’on décide de prendre un chemin différent comme eux l’ont fait? C’est peut-être un peu de tout ça au bout du compte.

Alors voilà. Fin de cet article. Je conclurais en vous laissant sur une pensée de Carl, que l’on retrouve à la page 142 du deuxième tome. En lisant entre les lignes, elle s’adresse peut-être à nous tous, voyageurs présents et futurs voyageurs, lorsque l’on se prend à se questionner sur le choix de nos vies.

"Si certaines escales sont plus belles, toutes, en revanche, doivent nous laisser repartir. Qui sait si le bonheur ne se trouve pas, fatalement, toujours devant."

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